Lettre de Roland Clerc, les renardeaux du Valais (Suisse)

Roland Clerc nous écrit sa très belle relation avec les renardeaux, une histoire de vie en direct d'une tanière quelque part dans le Valais.(Suisse)

"Quel bonheur hier soir de retrouver mes petits "rats" à l'endroit habituel
Sur ce genre de sujet, c'est toujours avec une certaine appréhension que je pars de la maison car je ne peux jamais vraiment savoir à l'avance si mes nouveaux petits copains sont encore dans leur maison.
Hier soir, j'ai encore eu la chance de vivre un très grand moment de nature et tous les mots et toutes les images ne pourront jamais refléter les sentiments qui m'habite lorsque j'ai la chance de me trouver dans l'intimité des petits renards.
Pour l'instant, ils sont vraiment petits et sur les images on ne peut pas trop avoir de points de repères pour juger de la taille, mais ils sont en ce moment à peine plus grand qu'un gros rat ou un petit chaton.
Alors, bien sûr pour faire des images, je dois m'approcher de très près et je dois rentrer dans leur intimité immédiate.
Pourtant avec ces animaux, je n'ai jamais l'impression de faire partie de leur monde tant leur vie est secrète et discrète et d'ailleurs je ne veux surtout m'immiscer dans leur vie, il y a des limites à ne pas franchir.
J'ai toujours l'impression d'être un intrus et je me sens juste toléré durant des très brefs instants pour rester auprès d'eux.
J'essaie toutefois de passer le plus possible inaperçu et de déranger le moins possible, pas de mouvement, pas de bruit, les maîtres mots pour espérer rester auprès d'eux et qu'ils continuent de vivre leur vraie vie d'animaux sauvages.

Hier soir, j'ai quitté mon boulot un peu plus vite et vers 16h00, j'étais déjà installé.
J'avais déjà quelques points de repères de la veille et je n'ai pas eu besoin d'attendre longtemps
A 16h20, ils pointaient déjà leur petit museau moustachu et ils sont restés dehors jusqu'à 18h05
Impossible de te raconter tout, tant le spectacle a été extraordinaire, durant tout ce temps, ils se sont chamaillés, bagarrés, ils ont grimpés sur des troncs, passés sous des racines, une vie très active comme des gosses à la "récré".
Dans les 4 sujets de la famille, les caractères des uns et des autres sont déjà très bien affirmés, deux des sujets sont déjà un peu plus grands et ces deux-là se battent sans arrêt, ce sera assurément ces deux compères qui auront le plus chance de survivre, ils sont costaux et je pense que lorsque la mère apporte à manger ce sont les premiers servis et la différence avec les autres sujets ira encore en augmentant.
Un des sujets est toujours très timide, il reste le plus souvent près de la tanière et ne se mélange quasiment pas aux autres, je peux bien le reconnaître, il a une petite tache de poil brun foncé sur la joue gauche.
Ce renardeau ne va sûrement pas vivre longtemps et dans quelques semaines, il va se faire manger par les autres et il ne sera plus de ce monde, c'est presque certain, dure loi de la nature
Le 4ème sujet est un baroudeur et un solitaire, lui il aime bien se promener et c'est sûrement cet individu que j'ai aperçu le tout premier jour.
C'est un renardeau aventureux et il à l'air de prendre plaisir de découvrir son environnement, cela le perdra sûrement car il n'a pas l'air de se rendre compte qu'il vit dans un monde rempli de dangers.
C'est super intéressant de voir qu'une portée de renardeaux nés pourtant en même temps sont déjà si différents au niveau de leur caractère et qu'ils se comportent si différemment
Est-ce vraiment différent chez les humains ?
Malgré que la vie des renardeaux à l'air de se dérouler d'une manière assez bonasse, la réalité est bien différente et la sélection naturelle va de toute façon réduire la famille de moitié dans moins de 6 mois, seuls les plus forts auront peut-être le droit de fêter leur premier anniversaire.

Pour faire des bonnes images, cela reste compliqué et le plus souvent, je dois me contenter de faire de l'observation.
L'environnement du terrier n'est pas favorable et celui-ci n'est pas très dégagé.
Je connais cet endroit depuis de nombreuses années et j'y ai déjà observé des portées de renards, j'y suis passé cet hiver et j'avais remarqué qu'un sapin avait cassé et que celui-ci était tombé au beau milieu du terrier.
J'avais une petite scie dans mon sac de montagne et j'avais bien tenté de le découper en morceau mais le tronc était vraiment trop gros et j'avais abandonné.
C'est un peu embêtant, car en ce moment, il me cache la vue et les jeunes jouent le plus souvent juste derrière ce sapin.
Mais je ne peux rien faire et je ne veux surtout pas prendre le risque de déranger la moindre des choses dans leur environnement, leur mère détecterait instantanément les changements
Mon espoir est que les jeunes utilisent cet élément du décor pour jouer et je rêve, peut-être un peu trop de les voir monter sur ce tronc pour se livrer à des jeux d'acrobaties...

Mais je ne vais de toute manière pas trop insister sur ce sujet et ne pas leur mettre trop de pression, j'ai encore l'intention d'y aller encore une fois et après je verrais...
Avec le nouveau matériel que je dispose, la qualité des images est au rendez-vous et j'apprécie surtout mon nouveau boîtier qui me permet de travailler avec une très haute sensibilité avec des éclairages assez doux.
Le fait de disposer d'un zoom 200-400 mm est aussi un net avantage car il me permet de recadrer les sujets.
Comme le sujet est très petit, la marge de manoeuvre n'est pas très grande et il faut très peu de chose pour qu'un image devienne inintéressante.
Rien n'est jamais gagné d'avance et ça reste toujours assez compliqué "

Roland Clerc